"De fortuna et monstribus"


D'après Régis de la Colombiere A. D. BdR 17 F 96 n°3202, Description d'un "raz de marée" dans le port de Marseille et prise d'un "monstre marin" n°3203
Renvoi à un certain Garnier.

Gaspard Garnier notaire à Marseille en 1648,

A.D. BdR. 360 E 79 f°916-923v°,

"Abbregé
de l'accourrent terrible
et espouventable arrivé
au port de cette ville
le 27 juin 1648
et du monstre marin encores plus
horrible et effroyable treuve ensuite"

Sur les deux heures jusques a six
du matin de cé jour et quy continua
en diminuant le reste dicelluy leau
de la mer c'estant si exorbittemment
agittée par un fleux et reffleux
vulgairement appellé lacourrent
eslancent tirant recullant allant
et rettournant les vagues comme de
soy memé sans apparencé ni alteration
d'aucun vent direttement
v° parpendicullierement dans lamboucheure
du port que lon voyoit librement
vamier et regeallier entre deux eaux
pendent cette inpetuosité laugo
sable et boué du fondz quoi qué a
cest [effect rayé] endroit il aye plus
de vingt cinq ou trente brassés
faizant flotter de ça dela
toust tout les navires qui ce
rancontroint a son file tant
dedans qué dehors la chaine
s'entrechoquant par ce moyen les
ung contre les autres si
experduement que la larme
et les cris des nautoniers en fut
general le long du cay croyant
effectivemant de se tous perdre
voir les gros vaisseaux tant
cette tourmante les pressoit
f°914 En effect les aucungz entres
autres La Coupe d'Or qui est de la
portée denviron vingt mille quintaux
rompirrent leur proué arbres et
autres oeuvres mortes mesme une
ases grosse barquo chargée de vin
qui estoit hors la chaine soubz
labric de la tour St Jean ou au
fanal attandant le propre temps
pour partier cet acourreurent
la derragea fit naufragé et
ranverser sans dessus dessous
mais comme elle ne pouvoit
couller entierement au fondz lort
par la recistancé des bouttes
ou tonneaux de vin dont elle
estoit chargée que autrement
la faissoit escouriré ou promener
d'un coste d'autre jusques a lavoir
v° anfin ramenée au lieu du port
ou ont la voit maintenant
ranversée et coullée au fondz
Dailheurs led. gros navire appelle
La Coupe d'Or de Flandres cet
tourbillon ou accoururent deau layent
pareilhement oste de son posté quy la
aupres ramené vers la pano de la
chaine avec un bel effort quy rompit
par son abord les mailhes ou anneaux
de fert dicelle bien que tres puissants
esfortz et dit on qu'a moingz davoir
heu tel rencontré quy luy seroy favorable
a prandre son cours en plaine mer tant
soit peu qu'il gauchi il alloit fondre
coute du pillier dune telle viollance quil ce
seroit sans douté ouvert et brize ayant
les mariniers esté constrain de demander
du secours par quelques canonades
f°915 quond fit tirer du commancement surquoy il
seroit veritablement acoureu tout plain de
mondé mais quasy inutillement
a cauzé que personné ny les autres navires
non tant agites nosaient ny pouvoyent
saprocher des oppresses a moing que
destre de la dance ou soy mettre dans
samblables azard et peril en telle sorte
que tout ainsi que cette bourrasque
de temps avoit commance comme nous
avons ja dit comme de soy mesmé sans
gittations des vents il falleu aussi
attandre que delle mesme sappezat comme
il fit graces a Dieu levant a la
pointe du jour

Sestant parmy cette revolutionx noye
divers matelotz desd. vaisseau
et barques

On ne scait pourtant a quy atribuer le
motif de cette tant grosse exclamation
deau meuetté quy parmy sa choleré
v° ne parloit que d'une bouché ou
pour mieux dire d'un rost estant si
vagabont sans explications
desabauze comme si une feurie
en effet demezurée la prevoquoit
ou sy par un justé ressantiment
stant de naturel prevariquant
et anragée qui la faizoit ainsin
desesperemment agir elle nous
vouloit faire entendré sans mot dire
lextreminentissime regret de son esmotion
ou de sa plainte puisque encore uné fois
on ne voyoit point de subjet precedant
ou capable de cette façon de fairé daucun
soufflé de ventz bouréas septentrioneaux
ny autres samblabes carravanes
de vents

De dire que cestoit quelque vents
f°916 soubz terrain commé pleusieurs presument
je nay gardé parcé qué laction en estoit
trop viollanté et terrible donnant lestonne
ment aux plus anciens patrons et de la frayeur
aux plus sages
Il est vray que sur le calme de cest
oragé quelques pescheurs martegaux
faizant l'exercice de la peché en mer
ou lieux ordinaires non gueres loing
ayant attrapé veu pris et enleve un
certain monstré ou beste sauvage de mer
telle quelle est cy devant depeinte
on a vouleu dire que s'en etoit le
presagé de ladvancoureur de quelque
plus mauvaiz auguré affirmant les
vieilles gens avoir veu et les aucung
ouy dire que fait environ soixante
ans q'un samblablé animal par moyen
d'une remusation d'eau se jetta
dans nostre port sur lextremité du bout
de la mer ver le Plan Fourniguier d'ou
fut prins et enlevé figurant estre de la
facon de cestuy cy duquel je ne ferey
pas uno particulliere description
touchant sa quallitte monstreuzé puis
quon a moyen de le voir facillement
et a peu de fraiz chez le sieur Gallery
v° dit Bras de Fer quy la chapte et fait
anbaumer consideres que la veue en
sera plus satisfatoire que ligmagination
ou description de la plumé me contenant
de dire quelle est de la grosseur dun
petit radeau, ranverssé[e] du poix de quinze
a saizé quintaux represantant plustost
la figure dune tortué que autré animal
marin ayant de grosses aislles lesquinne
brocardée et rayée a creuzemant de la
facon d'un leuth ou quittarre les
aucung la croyoient tortué en effect
de la mer pleusieurs la prenant pour
une ballené les autres dissoient
que lon la disputté follement quon y
entend entre ceux quy la vont voir
vous font creuver de rire et non ne
voudroit avoir veu autre facé
lopinion des femmes en est la plus
saine dont beaucoup d'hommes se
sont ranges de leur costé savoir
queles dissent que cest un diable
de mer en le voyant si difforme
et espouvantablé tant y a que
personné plaint dargent
Quand a cé quon dit ceste bette
f°917 este le pressagé de quelque plus
mauvaiz auguré j'oseray dire que
cest a croire proprement aux fades
de lanciens panisme ou que Castor et
Polleux croyent estoient les dieux
des navigantz tout estois pour
des abuzer beaucoup de gentz de la
croyance quilz en pourroient avoir
il ne sera pas or de propos de
recister issi le santimant de
plusieurs grandz hommes quy on
cherché curieuzemant les chozes
naturelles des tritons cest a dire
monstrés marins et des nereydes
leurs femmes

Et premierement de noble tres docté
et scavant jurisconsulté Julles
Reymond de Solies sur les antiquites
de nostre ville chapittre septante
cinq dissant que ne faut pas estimer
que se soit choze fabuleuzé ny
controuvée ce quond dit dans
Aristote Partian et Pline car
le dernier nomme livre neuf chapitre
cinq escrit que ceux de Lisbonné
envoyerent leur deputes expres
v° a Thibere pour ladvertier quond
avoit descouvert en Espagne un
triton faizant sonner une coquille que
de cé mesme temps furent veues sur la
grevé en costes de Xaintonge de nimphes
de mer que aux isles darchipelage sous
lempereur Phocas en furent veues
dautre quilz avoient presque de tout
la figure humaine

Allexandre dallexandrie livre trois
chapitré huit rapporte que de
sont temps fut pris en Albanie
un triton qui avoit enleve plusieurs
filhes allant querir de leau au bor
de la mer

George de Trabezondé dit avoir veu
un poisson qui avoit la partie
superieure du cor comme une belle
femme

Baptiste Fulgozé livre premier
chapitré dernier avancee que soubz
le papé Eugenes quatrieme on prins
un homme marins en Esclavonie
quy anportoit dans la mer un
f°918 jeune garçon ressamblant presque
a une personne fors quil avoit
la peau comme les anguilles deux
corniches a la testé navoit que
deux doitz aux mains avec de
queues aux extremites des piedz
et diceux jusques aux bras des
aisles comme une chauve souris

Finallemant le premier autheur
dessus allegue dit avoir apris de son
ayeul Jean de Solies qui feut prins
un triton [à] Marseille au bor de la
mer qu'on porta a Rene comte de
Provence

Monsieur de Ruffi dans son
antiquitté historialle en parle
aussi livre dix chapitre cinq f°442
ligne trante quatre
Et Pierre de Launoy par son
histoire prodigieuze dit que
larchiduc dautriché troiziesme
fils de lempereur Ferdinand fit
porter a Gennes une sirrenné de
v° laquelle il fit pressant Messieurs
de la Republique ou plusieurs de ces
homme d'Itallie furent la voir lan
de nostre seigneur mil cinq cens

Et cella etant commé on ne doit point
doutter apres temps de braves autheurs
combien qué Hierosme Cadran au livre de
ces subtilites ecrive que ce ne sont que
contes faitz a plesir pourquoi prendre
letonnemant ni pour un mauvaiz
auguré d'avoir treuvée aujourdhui
ce de quoi nous parlons qui au
respet de reste nest que une coquille
ou cornibollé de mer pour moi
jestime que noz iniquites sont
plustost les auteurs porteurs ou
avancoureurs des
meaux ou le temps de saizon nous
menassent que non point cette
besté affreuzes quelles cornes
aisles piedz teste double ceué
et grosseur extraordinaire quelle
puisse avoir

f°918 Par le notaire G. D. R Marseille
1648 G G [Gaspard Garnier]

Tout ce qui me fait apretanter se sont
ces parolles nostradamusniques ausquelles
neanlmoing je ne prethendz donner auceune
foy aprobative aussi ne le sais jé que par
curiosité tirées du premier centuris chapitre
XXIX
Quand le poisson terresté et aquatiq par
force vague au gravier sera mis sa
forme extrange suave et horrifique
larmer aux meurs bien tost les
ennemis

Ce quatrain correspond aulcunement
en laction presanté et samblé la destin
quest fort clerement car on dit que ceste
besté en effet suavé terreste et
aquatique dans sa demonstration fut
treuvée sur la gravé en mers de Niolon
ou les vagues desquelles nous avons
suffizemmant parle la gittaren a lenvers
Dont par ce moyen nayant elle peu
par son extraordinaire grosseur
v° ce remettre a son point il falleu
nesseseremant quelle souffre sans
deffancé ou pour lacomplissemant de
cette prophetie sa prinze en enlevation
par quelques neptuniens martegaux
que la remoquaren a linstantz avec
leur barqué garrottée et fortemant
attachée en cué dicelle penchant
dans leau tout le long du chemin
pour navoir peu ni ozé la remetre
dedans tant a cauze de sa forme
extrangé et horrifiqué pezanteur
que pour avoir hurle esfroyablement
3 fois comme un veau ou pour la
maintenir vivante comme elle etoit
encores jusque au port de Marseille
ou elle fut vandue [vandué 2 fois]
a mesme temps un bon nombre de
pistolle a ceux qui lont maintenant

P. L. N. G. D [par le notaire G D]
A.M [A Marseille]

Bibliographie


Cazeils (Nelson), Monstres marins, Rennes, Ouest France, 1998, 126 p., ill.

Courriel à Régis Bertrand 27 III 01:
" Extraits d'un manuscrit intitulé

Mélange de pluzieurs et diversses pieces historiques compozées par feu Me Gaspard Garnier vivant notaire nouvelle (?) et prédecesseurs et autres auteurs modernes, tant en prozes que ritmees les unes spiritueles et récentes, très utilles pour l'entretien salutaire et les autres comiques neanmoins fort convenables pour le pur divertissement de l'esprit. 1696.

Un fort volume in f° de 529 pages manuscrit, enrichi de dessins à la plume, portraits, frontispices, etc.
Ecrit par Jean André Reboul notaire successeur de Garnier
Garnier a été notaire de 1642 à 1681
Reboul a été notaire de 1681 à 1696
Leurs archives sont au pouvoir de Me Roux (Jh Jn André)
Gd. Garnier décède le 17 mai 1681 à Marseille "

Peut être ici aussi pourrez vous en savoir un peu plus...
Jean André Reboul est effectivement notaire, 360 E 108 à 115
Ce Me Joseph Jean Roux est aussi notaire à Marseille fin XIXème s.

Revue Marseille , directeur Pierre Echinard, Direction Générale de la Communication et des Relations Extérieures, 58 Bd. Charles Livon, 13007 Marseille, 04 91 14 64 17


Ms 860 902
(Mi 613)
Bibliothèque Méjanes Aix
Dessin de François de Rebattu conseiller d'Arles

Ce monstre a este veu par moy en Arles le 19 juillet 1648, la coque de dessus toute noire/ et unie semblable a du cuir bouilly, le vantre sans coque, tout le corps gris noirastre semblable au cuir d'un elephant, tachete de blanc comme des goutes.

Il fut pris ez filetz qui
pescheoient les thoms a Marseille.
Celuy qui le conduisoit par pays me fit
veoir une marque un peu luisante sur
la peau du milieu du front et dit que
c'estoit la marque de la balle d'un pistollet
qui luy fut tiré sans qu'il peut percer
la peau ny endommager tant soit peu.

Les machoires
superieure et inferi/
eure sans aucune dents
tranchantes comme rasoirs.

Les bras faictz en forme des aisles d'une poule quand l'on a tire les plumes


[Dessin d'une tortue luth]

E. Leroy-Ladurie, Le voyage de Thomas Platter (1595-1599), Le siècle des Platter II, Paris, Fayard, 2000, p.188.
Visite du cabinet de curiosités de Laurent Joubert en 1596 à Montpellier,
[une tortue de mer]…sa carapace était aussi vaste qu'un dessus de table autour duquel six messieurs auraient pu, sans problèmes, trouver place assise pour chacun d'entre eux…

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1738


Signalement du pretendu comte
de Velasco août 1738

Il se dit Dom Louis de Moncade et Velasco, comte
de Moncada capitaine du regiment de Galice
au service du roy d'Espagne; il a environ 24 ans,
petit, asses bien fait, le visage plat et bazané, les
sourcils bruns, les yeux bleus: il parle francois,
espagnol et italien; on l'a vû habillé d'écarlatte,
la veste blanche courte et galonnée en or, les boutons
d'or les bas rouges a coins d'or, le chapeau bordé
de meme avec un plumet blanc et la cocarde rouge
portant petite perruque blonde en bourse. On l'a
vû aussi en Hollande au mois de may dernier
en habit neuf de drap blanc boutons d'argent
la manche et la veste bleue avec une frange
d'argent sur la veste: au mois de juin dernier il
etoit habillé en velours. Il partit de Dresde le
24 juin dernier en disant qu'il alloit a Vienne pour se
rendre de la a Ausbourg.
Il a enlevé quatre mille florins d'Hollande a M
le marquis de St Gilles embassadeur d'Espagne a
La Haye et ailleurs d'autres sommes considerables
par le moyen de fausses signatures

Dans le mois de juin dernier il en a imposé à la cour du
roy de Pologne electeur de Saxe par des passeports
et lettres en partie surpris et en partie contrefaits
jusqu'au point de s'atirer une sorte de confiance
suivie de presens pour luy et de magnifiques
services de porcelaine de Saxe que le roy de Pologne
luy avoit fait confier pour etre remis a la reyne
d'Espagne.
Ledit pretendu Velasco avoit en partant de La Haye
aussi bien que de Dresde grande quantité de bijoux
d'argent en espece et de papiers qu'il disoit etre de
consequence.
Il a de plus sur luy un passeport du roy de Pologne
et une lettre de sa majesté a la reyne d'Espagne
et des passeports de M le marquis de Sarlat secretaire
d'état du roy des Deux Siciles, de M le cardinal
Aquaviva, de M le comte de Dulefeld et enfin
un passeport de M le marquis de St Gilles.

Le soussigné est chargé d'ordres expres de
demander que led. avanturier soit arreté de
reclamer les caisses de porcelaine qui ont eté adressées
a M de Selva consul espagnol a Livourne et surtout
le passeport du roy son maitre et la lettre de sa
majesté a la reyne d'Espagne. Signé de Brais